AÉBIUM

AÉBIUM


Conférence 1 : Delphine Roigt
Titre : La question de la professionnalisation
Par : Delphine Roigt, Conseillère en éthique clinique et responsable du Service d’éthique clinique, Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM)

Bio : Me Delphine Roigt est diplômée en droit de l’Université de Sherbrooke et membre du Barreau du Québec (1997). Elle détient également un diplôme en communication de l’Université de Montréal, où elle a aussi complété un DESS en bioéthique ainsi que la scolarité de doctorat en Sciences humaines appliquées – option bioéthique. Depuis 1998, elle travaille exclusivement en éthique clinique et en éthique de la recherche. Elle est conseillère en éthique clinique et présidente du Comité d’éthique clinique du CHUM depuis 2002. Elle est chargée d’enseignement clinique au département de médecine familiale de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et elle s’occupe de formation continue et de réseautage auprès de comités d’éthique clinique et de la recherche de diverses régions du Québec. En 2009, avec des collègues, elle fonde l’Association québécoise en éthique clinique (AQEC). Elle est aussi membre fondatrice du groupe PHEEP (Practicing Healthcare Ethicists Exploring Professionalization), un groupe d’éthiciens exerçant dans le réseau de la santé et des services sociaux canadien désirant explorer les possibilités et élaborer un ou des modèles à privilégier pour améliorer et appuyer la professionnalisation des éthiciens au Canada.

Notes complémentaires à la présentation
(Diaporama disponible en Annexe 1)

• La conférencière adopte une approche narrative à travers son expérience personnelle qui est appropriée car la profession a peu d’unité.
• Chaque éthicien a un parcours particulier selon sa formation académique, sa profession de base, son milieu de travail, son rôle et son champ de pratique.
• La professionnalisation n’est pas un mouvement radical et se veut inclusif. Impact significatif pour atténuer les tensions et les malaises ressentis sur le terrain.
• D’abord, « ne devient pas bioéthicien qui veut ».
• La formation universitaire ne prépare pas à la réalité du terrain qui est très complexe.
• Le bioéthicien est isolé, sans repères formels de pratique, position de vulnérabilité.
• Ces réalités compromettent l’excellence et l’efficacité du travail en éthique clinique.
• Il est important de minimiser le fossé entre la profession pratique et la formation académique.
• Communauté de pratique brisant cette solitude et atténuant les malaises (AQEC et PHEEP).
• Divers acteurs (Agrément Canada, le ministère de la santé et des services sociaux, les
conseillers en qualité des établissements de la santé) désirent réguler la pratique de la
bioéthique.

Période de questions et commentaires
Question : Et l’interdisciplinarité ? Le débat entre le comité d’éthique clinique et le consultant éthique ? Dans les problématiques cliniques, il n’y a pas de distinctions entre les enjeux éthiques disciplinaires. Les mêmes principes sont appliqués à toutes les parties. Ainsi, est-ce que l’interdisciplinarité doit se retrouver au sein d’un comité d’éthique clinique, comme les équipes de soins sont déjà interdisciplinaires et ont une visée de bienfaisance au cœur de leur action professionnelle. Ainsi, est-ce que l’éthique doit être réservée à un comité ou est-ce que les professionnels doivent être mieux outillés pour résoudre les défis éthiques ? 
Réponse :
 L’éthique doit être interdisciplinaire et avoir également une sensibilité pour le patient-partenaire. Le rôle de l’éthicien est de favoriser le dialogue, peu importe s’il travaille au sein d’un comité ou comme consultant. Il est essentiel de sensibiliser et de former les cliniciens. Pour une même problématique, intégrer les valeurs cliniques, passer des messages. Les modèles doivent arrimer ce qui est fait dans les différentes Facultés.

Question :
 L’importance de l’éthique clinique vs l’éthique de la recherche ? Les cliniciens s’en remettent parfois à l’éthicien pour résoudre des problèmes. L’éthique est accaparée par les membres du comité. C’est par les réflexions des autres, par le contact avec les autres que l’éthique se fait. L’éthique de la recherche est prise plus au sérieux que l’éthique clinique par les institutions. Éthicien et juriste font le même travail, mais le juriste reçoit 25% de plus en honoraires, car sa profession est reconnue. La reconnaissance du travail passe par la reconnaissance du type de travail que l’on fait. Pas juste le comité mais ce qui l’entoure. Le travail de l’éthicien doit se faire avec les autres.
Réponse : 
Plus de normes de pratique en éthique de la recherche qu’en éthique clinique, ce qui peut teinter les attentes organisationnelles. L’éthique émerge de la rencontre entre deux individus. L’éthique n’appartient pas à l’éthicien. Éthique clinique: recommande. Éthique de la recherche : décide si passe ou pas.

Commentaire :
 Confirme que « Ne devient pas conseiller en éthique qui veut ». Peu de personnes sont prêtes à agir sur les Comités en sortant des programmes universitaires. Important que les programmes répondent aux besoins de la société en formant les bioéthiciens pour un travail au sein des établissements de la santé. Éthique organisationnelle : pas beaucoup de formation, apprend avec l’expérience, pas de documentation.
Réponse :
 Pas nombreux et pas organisé. Conseiller à la qualité mène les dossiers de l’éthique dans les établissements auprès d’Agrément Canada. Peur que la réflexion soit imposée plutôt que d’émerger de nous.

Conférence 2 : Georges A. Legault
Titre : Enjeux de la professionnalisation de l’intervention en bioéthique
Par : Georges A. Legault, Professeur associé, Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke

Bio : Docteur en philosophie et licencié en droit, Georges A. Legault s’est consacré, après un doctorat en philosophie du droit, à des recherches sur la formation morale et ensuite à l’éthique professionnelle. Son manuel de délibération éthique, Professionnalisme et délibération éthique, est à la base de plusieurs cours de formation en éthique professionnelle dans les universités québécoises. Entre 1996 et 2003, avec une équipe de chercheurs interdisciplinaire et interuniversitaire, il a publié des travaux visant à faire le bilan de l’éthique professionnelle au Québec. En 2001, il a reçu un doctorat honoris causa de l’Université de Sudbury pour ses travaux en éthique appliquée. En 2003, il a été nommé directeur du Centre interuniversitaire de recherche en éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Ce centre regroupe plusieurs des chercheures et chercheurs actifs en éthique appliquée au Québec. Dans toute sa carrière, il a travaillé sur le terrain auprès de différents organismes publics, parapublics et privés dans la formation à l’éthique au travail notamment au Ministère du revenu, au Ministère des transports, dans les CSSS et au Mouvement Desjardins.

Notes complémentaires à la présentation
(Diaporama disponible en Annexe 2)

• Le conférencier souligne l’aspect récurrent de la discussion sur la professionnalisation. L’éclairage de la communauté de pratique est important, par exemple les sages-femmes : fort désir de reconnaissance, mais ne s’est pas fait sans heurts ou difficultés. 
• Distinction entre une professionnalisation sociologique (association) et légale (ordre professionnel). 
• Passage de l’art du praticien à la démarche structurée et réfléchie du praticien réflexif. 
• Essentiel d’encadrer ces relations pour que les savoirs soient transformés en pouvoir de faire quelque chose plutôt qu’un pouvoir sur quelqu’un. 
• Défi : connaitre les savoirs propres à la profession, le noyau commun de la pratique, les savoirs indispensables, les attitudes interpersonnelles nécessaires à la pratique. 
• L’intervention en bioéthique : certaines convergences des lieux et des champs. Dénominateur commun : favoriser la délibération éthique.
• La professionnalisation est inévitable pour structurer la pratique et pour faire face aux défis du 21e siècle.

Période de questions et commentaires
Commentaire : Comme ergothérapeute, redevable des actes et doit les documenter. Par contre, pas les mêmes attentes de la part des institutions quant à son rôle de bioéthicienne. De plus, la création d’un autre ordre professionnel est peu probable dans la situation politique actuelle. Par contre, l’idée d’une association pourrait être porteuse d’un renouveau professionnel. 
Réponse : La création d’une communauté de pratique peut passer par une association. De plus, toutes les nouvelles professions doivent être solidifiées politiquement par une forme de professionnalisation, sinon elles sont récupérées par d’autres professions.

Question : Comment faire progresser la pratique des individus qui exercent ? Est-ce qu’une association peut se doter d’une force réservée aux ordres professionnels de protéger les clients et de réguler la pratique de ses membres ? Au nom de quoi on peut dire à quelqu’un que sa pratique est inadéquate ?
Réponse : Si le contrat de l’association crée des mécanismes de surveillance, ainsi que des mécanismes d’entrée et de sortie, la force de l’association peut équivaloir à un ordre professionnel. L’association doit définir les pratiques inadmissibles, les compétences et les interventions partagées par tous ses membres. Les cadres de pratique définis permettent également aux membres de se conformer et de cheminer. 

Question : Qui est le «client» du bioéthicien ? Relation médecin-client, patient-client, infirmière-client ? Qui est le client ? Si on est travailleur autonome ?
Réponse : Le bioéthicien est un travailleur autonome, le CA d’un établissement l’engage donc l’institution devient le client. Par contre, le client donne le mandat de se soucier du bénéficiaire. Le bioéthicien ne sait pas ce qui est bon, ni ce qui est moins pire. L’éthicien n’a pas à se prononcer sur la sagesse de la décision de l’autre. Il doit amener l’autre à cheminer dans sa réflexion. S’il se prononce, il devient moraliste. Même le CÉR se prononce mais ne décide pas, il se prononce sur ce qu’il juge comme une étude responsable ou pas, il questionne et amène une réflexion.

Question : Quelles sont les attentes par rapport à l’éthicien ? On ne sait pas ce qu’est un éthicien. Le professionnel de la santé sait ce qu’est de faire une note au dossier, il connaît le système. Si je n’ai pas ce bagage, mission dangereuse pour l’éthicien.
Réponse : Si le bioéthicien et la communauté de bioéthique ne se définissent pas, les autres vont le faire. Présentement, les attentes sont non dites, non précisées, implicites, ce qui nuit à la pratique.

Question : Peut-on prévoir une association en bioéthique, ou plusieurs associations liées aux divers champs de pratique ? 
Réponse : On sent un fort désir de maintenir une communauté de pratique et d’apprentissage. C’est ce qui anime l’AÉBiUM dans la création du Symposium et qui a mobilisé les chercheurs et les bioéthiciens à participer à cette discussion. Ainsi, l’existence d’une association ou de plusieurs associations sera à la base des mouvements de professionnalisation.

Conférence 3 : Guy Bourgeault
Titre : Le bioéthicien : entre le pari démocratique et le champ d’expertise
Par: Guy Bourgeault, Professeur titulaire au Département d’administration et fondements de l’éducation, Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal.

Bio : Guy Bourgeault est professeur depuis 1969. Il est actif comme professeur – chercheur–conférencier dans le champ de la bioéthique depuis 1985, notamment en lien avec les programmes de bioéthique de l’Université de Montréal (et directeur durant une dizaine d’années du séminaire de thèse).

Notes complémentaires à la présentation
(Diaporama disponible en Annexe 3)

• Prendre le temps de regarder le contraire de notre position. C’est le débat qui rend compétent.
• Refus de faire du bioéthicien un expert. Posture ou imposture du bioéthicien ?
• L’avenir de la bioéthique tient à sa capacité à relever le défi d’un débat démocratique
permanent touchant l’avenir de l’humain et de la vie.
• Création des champs d’expertise comme gérontologie, criminologie, etc. : champs qui créent une expertise interdisciplinaire, mais parfois en appauvrissant les choses.
• Ouverture des champs, mais on doit avoir une capacité de les orienter. Développer une
science et une conscience.
• Bioéthique entendue comme éthique biomédicale : conscience maintenue de tous les
partenaires.
• Illusoire de s’entendre sur les mots, on doit apprendre à discuter sans s’entendre sur les mots. On ne pense pas tous la même chose. Discutons et ceci précisera les termes. Décisions provisoires.
• La bioéthique est une discipline multidisciplinaire ? Garder l’ambiguïté ?
• Démarche d’inversion de mon propos : qu’est-ce qui émerge si je tente de me contredire moimême ?
• Posture : Je suis un expert, je connais les bonnes pratiques
• Imposture : Je ne suis pas un praticien disciplinaire, donc je ne sais pas pleinement de quoi il s’agit. Je ne dois pas désapproprier l’autre de sa conscience et sa délibération
• Ministres : s’excusent de ne pas avoir consulté le conseiller en éthique avant de prendre une mauvaise décision.
• Général Dallaire : niveau de responsabilité. Mon mandat était que n’arrive pas ce qui est arrivé. 
• Pari d’éducabilité : je peux être enseignant seulement si je pense pouvoir aider tous mes étudiants. Je dois prendre le pari que toute l’humanité est capable de prendre une décision. Le pari est un défi. Le défi est de soutenir l’autonomie vs hétéronomie.
• Doit faire place à la compétence des incompétents. Quelle est notre posture ?

Période de questions et commentaires
Commentaire : Distinguer bioéthique et démocratie. Souci du sens et des valeurs à l’intérieur de la démocratie. Expert qui interpelle, qui questionne au nom des valeurs. Pas expert comme celui qui sait.
Réponse : Expert : marqué par le souci de l’expression des valeurs. C’est au collectif.

Commentaire : 
Sortir des questions d’expertise. Dire quelque chose au nom vs avoir une expertise.
Réponse : Expertise : connaissances nécessaires pour intervenir. 

Commentaire : Le gouvernement du Québec prépare une réforme du code civil pour concilier l’éthique et la recherche. Il a engagé une éthicienne comme consultante. Ça illustre le manque de débat démocratique. Il y a une Commission parlementaire mais le jeu est joué d’avance. Question éthique et politique.
Réponse : Les Commissions parlementaires sont là pour avoir un débat plus large, dont l’opinion publique. Pas parfait. Pas nécessairement la bonne décision, mais on doit accepter que le seul bien est un moindre mal. Le débat démocratique n’inclut jamais tous les citoyens. La démocratie est un très mauvais système, mais les autres sont tous pires.

Conférence 4 : Vardit Ravitsky
Titre : Une comparaison d’expérience pratique en éthique clinique
Par: Vardit Ravitsky, Professeure adjointe et directrice par intérim des Programmes de bioéthique, Département de médecine sociale et préventive, Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Membre de l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal (IRSPUM).

Bio : Vardit Ravitsky a fait ses études en France, B.A. en philosophie de La Sorbonne à Paris, aux États-Unis, M.A. en philosophie de la University of New Mexico à Albuquerque, et en Israël, Ph.D. de la Bar-Ilan University. Après une formation post doctorale au NIH de 2003 à 2005, elle a occupé un poste académique à la University of Pennsylvania (USA), un poste de Consultante auprès de Génome Canada et un poste de Conseillère à l’Institut de recherche en santé du Canada (IRSC). Ses travaux et ses enseignements portent sur l’éthique clinique et l’éthique de la procréation. Ses intérêts de recherche concernent les enjeux bioéthiques de la procréation médicalement assistée et de la génétique. Elle s’intéresse particulièrement aux influences culturelles sur le développement des politiques
de santé autour des dilemmes bioéthiques.

Notes complémentaires à la présentation

(Diaporama disponible en Annexe 4)

Regard comparatif international.
NIH : Processus formel, 23 étapes dans le formulaire, questions à poser dans un ordre spécifique. Attentes élevées de l’équipe, accentue le sens de la responsabilité
Israel : 30 ans en retard par rapport à l’éthique
L’éthique clinique est un dialogue avec la loi. Le débat se situe plus largement.

Période de questions et commentaires
Question : Que tirer de ces expériences ?
Réponse : En faveur d’une normalisation de la profession. Amener un peu de la structure américaine et les normes de pratique.
Commentaire : Il y a une tendance à l’uniformisation même s’il y a des différences culturelles profondes qui ont un impact. L’exemple du Japon qui ne voulait pas du prélèvement d’organes et qui a fini par unifier la pratique.
Commentaire : Il y a une distinction entre la normalisation et la formalisation que les établissements vont effectuer par rapport à la professionnalisation d’une communauté de pratique. Chaque terme est porteur.
Commentaire : L’intégration des aspects multiculturels, accommodements raisonnables vs personnalisation des soins, réflexions sur la norme juridique, ne représentent pas une dichotomie, mais un enjeu supplémentaire nécessitant des formations supplémentaires pour les éthiciens. AQEC ne sent pas de problèmes interculturels dans les hôpitaux.

© 2013 J-C Bélisle Pipon, N Boëls, J Caillé, Creative Commons Attribution 3.0 Unported License

           

Laisser un commentaire

Taille du texte