Lauréats et personnalités — Catherine Malboeuf-Hurtubise : Plaidoyer pour le bonheur

Marie-Paule Primeau — Rédactrice en chef

Lauréats et personnalités — Catherine Malboeuf-Hurtubise : Plaidoyer pour le bonheur

La méditation pleine conscience sort des sentiers battus depuis quelques années et attire l’attention du milieu médical tout en gagnant en popularité au Québec. Approche ésotérique ou saugrenue, croient certains. Tout le contraire, en fait. La méditation pleine conscience, mise au point par Jon Kabat-Zinn, est reconnue pour les bienfaits efficaces et durables qu’elle procure à ceux qui la pratiquent. Le programme de réduction du stress basé sur la pleine conscience (MBSR : Mindfulness-Based Stress Reduction) est propulsé par la recherche d’un bien-être personnel et d’un savoir-vivre ensemble. Voilà pourquoi cette approche fait désormais partie du cursus de médecine de l’Université de Montréal, et ce, depuis 2012. Pas étonnant donc que la même année Catherine Malboeuf-Hurtubise ait eu envie, en choisissant son sujet de recherche de thèse en psychologie, de l’apprivoiser et de soumettre cette approche au défi de la réalité. Comment aider un jeune en difficulté ? Tout comme Catherine, nombre de parents se posent la question et se sentent démunis face aux problématiques vécues par leur enfant. La méditation pleine conscience leur propose une approche gratuite, accessible en tout temps, et dont les effets bénéfiques ont été scientifiquement prouvés par la communauté médicale. Difficile alors de ne pas être curieux quant à ce moyen d’intervention, surtout lorsque celui-ci est proposé par un spécialiste de la santé. Doctorante en psychologie à l’Université de Montréal, Catherine s’intéresse aux bienfaits de cette technique de méditation appliquée chez les enfants et les adolescents aux prises avec des problèmes de santé. Entretien avec une chercheuse enthousiaste de son sujet.

 

J’ai été intriguée par votre choix de sujet de recherche au doctorat, l’application de la méditation pleine conscience chez des adolescents atteints de cancer. D’où vient votre intérêt pour cette approche ?

J’ai commencé par faire un baccalauréat en économie à l’Université de Sherbrooke. Pendant mes études, je me suis rendu compte que je n’étudiais pas dans le bon domaine. Puisque je ressentais le besoin d’être en contact avec les gens, j’ai opté pour un baccalauréat en psychologie à l’Université Concordia. J’ai obtenu mon diplôme avec une mention d’excellence; j’avais trouvé ma voie. Ensuite, j’ai décidé de poursuivre des études au doctorat, en recherche et intervention, à l’Université de Montréal (UdeM). Ce programme combiné me permettra de pratiquer comme psychologue clinicienne, et j’aurai également un Ph. D. Je savais d’emblée que je voulais me spécialiser en intervention auprès des enfants et des adolescents. De là, je cherchais un sujet de recherche et un professeur avec lequel j’aurais envie de travailler. Je suis tombée par hasard sur un protocole d’intervention en méditation pleine conscience. Cette idée m’allumait. Ma thèse a donc été rédigée sous la direction de Marie Achille, professeure au département de psychologie de l’UdeM. Je me souviens d’avoir trouvé cela « trippant » que l’on puisse faire de la méditation et de la science en même temps. Marie Achille et moi-même avons rencontré la psychiatre Marjorie Vadnais, de l’hôpital Sainte-Justine, qui souhaitait justement entreprendre un protocole de recherche sur le programme de méditation MBSR. Ensemble, nous avons modifié le programme afin qu’il soit adapté à des adolescents atteints de cancer. 

 

Quels sont les bienfaits de la méditation pleine conscience ?

Chez les enfants et les adolescents, la recherche sur la méditation pleine conscience en est à ses débuts. À ce jour, elle a surtout été appliquée dans des contextes scolaires ou dans le but de modifier certains comportements difficiles chez des jeunes souffrant de différentes problématiques de santé mentale. En milieu scolaire, des études ont démontré l’impact positif de la méditation pleine conscience sur la réduction de l’absentéisme scolaire et des suspensions, le respect des règles, l’attention en classe, les capacités d’autorégulation et le respect des autres. D’autres études ont aussi démontré l’effet positif de la méditation pleine conscience sur les comportements hyperactifs chez des enfants. Une récente étude a démontré l’effet bénéfique de la méditation pleine conscience sur la gestion du stress, de la rumination, des pensées intrusives et du niveau d’inquiétude chez des enfants issus de milieux défavorisés. L’intervention aurait aussi des effets sur les capacités de maîtrise de l’agressivité et de comportements agressifs involontaires, permettant globalement à ces jeunes de mieux gérer leur stress.

 

Les parents étaient-ils réticents à ce que leur enfant participe à une étude basée sur une méthode marginale au Québec ?

Afin de nous assurer de l’adhésion des parents, nous avions formulé notre présentation de l’étude en leur disant que c’était une thérapie pour gérer le stress. En fait, c’est exactement ce qu’offre la méditation pleine conscience. Nous avions la crainte que le projet de recherche ne soit pas pris au sérieux si nous disions qu’il s’agissait uniquement d’une intervention basée sur la méditation. Nous avons donc pris le temps de bien expliquer aux parents le contenu des séances, soit un équilibre entre des techniques de méditation et des outils pour apprendre à mieux gérer son stress.

 

Quelles conclusions avez-vous tirées de l’étude (Un pilote randomisé avec liste d’attente : effets de la méditation pleine conscience sur la qualité de vie, le sommeil et l’humeur chez les adolescents atteints de cancer) ?

Puisque les jeunes soumis à cette étude fonctionnaient bien malgré leur maladie et que leur niveau de détresse était peu élevé, nous n’avons pas trouvé de différences significatives entre le groupe suivi en pleine conscience et le groupe contrôle. Nous avons conclu que ce que nous leur proposions ne correspondait pas à un besoin. Nous ne visions pas dans le mille. Toutefois, l’aspect primordial pour moi de ce projet de recherche était de tirer des leçons. Dans ce sens, l’expérience a été riche d’apprentissages.

 

Vous avez décidé de continuer votre travail d’intervention, au niveau postdoctoral, en utilisant le MBSR et la MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy) combinés. Les données récoltées à ce jour sont-elles plus encourageantes ? Quelles sont les incidences positives observées auprès des jeunes qui participent à l’étude ?

Effectivement. Sous la direction d’Éric Lacourse, professeur au département de sociologie de l’UdeM et chercheur au GRIP (Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant), j’ai poursuivi la recherche dans ce domaine, en collaboration avec l’école primaire St-Rémi de Montréal-Nord, où je travaille présentement en tant que conseillère en rééducation/doctorante en psychologie clinique. J’ai appliqué là aussi les principes du MBSR, mais bonifiés par des composantes thérapeutiques de la MBCT. De l’hiver jusqu’au printemps 2014, j’ai suivi un groupe de 14 enfants faisant partie d’une classe « DGA » (difficultés graves d’apprentissage). Puisque ces enfants avaient un trouble identifié, il était pertinent d’ajouter au projet certains aspects de l’intervention cognitivo-comportementale. Ces enfants ont suivi le programme pendant huit semaines, à raison de 45 à 60 minutes par semaine. Au début et à la fin du projet, nous avons recueilli, à l’aide de questionnaires, la perspective des enfants et celle de leur enseignant sur plusieurs variables préalablement identifiées (dépression, anxiété, hyperactivité, inattention, etc.). Les données récoltées auprès des enfants étaient très encourageantes : diminution significative de l’anxiété de la dépression; celles de l’enseignant aussi : diminution de l’agressivité, des problèmes de comportement, de l’opposition et de l’inattention. Cette année, de février au début avril 2015, j’ai entrepris un projet avec trois élèves de 3e et de 4e année du primaire qui ont des troubles langagiers en plus d’avoir un trouble anxieux ou dépressif. Le programme à peine commencé, les enseignants remarquent déjà une nette amélioration dans le comportement de leurs élèves. Des mesures de suivi seront prises à la fin avril, en mai et en juin. Nous pourrons donc vérifier si les acquis se maintiennent dans le temps.

 

 Quels sont vos prochains projets auprès des jeunes qui impliquent le MBSR ?

Avec M. Lacourse, nous travaillons sur un projet-pilote en psychiatrie, en collaboration avec l’hôpital Sainte-Justine. Nous voulons comparer l’impact d’une intervention pleine conscience et d’une intervention dialectique comportementale. De plus, un des objectifs poursuivis est d’évaluer le rapport coûts/bénéfices de ces deux interventions. Autrement dit, quelle intervention est à privilégier ? Nous souhaitons, entre autres, répondre à cette question. Le groupe à l’étude serait composé d’adolescents qui ont des traits de personnalité qui interfèrent avec leurs traitements médicaux, par exemple, un jeune diabétique qui présente certains traits de personnalité pouvant s’apparenter à ce qu’on observe chez des individus ayant un trouble de la personnalité limite. Ces jeunes ont été ciblés par leur médecin, car ils sont des patients difficiles, voire réticents à adhérer au traitement requis. Nous espérons mettre en branle ce projet, qui devrait durer cinq ans, dans les prochains mois. Nous visons à recruter 180 adolescents. Il s’agit donc d’un projet important.

 

À la lumière de vos dernières années de recherche et d’intervention, pourquoi choisissez-vous encore le MBSR comme approche dans chacun de vos projets ?

Tout d’abord, parce que les résultats que l’on obtient en milieu scolaire depuis deux ans sont vraiment prometteurs. Puis, plus personnellement, parce que c’est une forme de thérapie que j’aime mettre en pratique avec les jeunes. Moi-même, je pratique la méditation pleine conscience et j’en constate l’efficacité. Sans compter que la pleine conscience s’inscrit dans un mouvement de psychologie positive. Ce courant, moins connu en psychologie traditionnelle, s’intéresse à tout ce qui va bien chez les gens : le bonheur, l’espoir, l’optimisme. Ça me parle énormément, car je peux intervenir sur ces paramètres que j’affectionne. J’ai un faible pour le bonheur ! J’aime profondément l’idée de me pencher sur le positif. Cela m’attire davantage que la psychologie traditionnelle, qui s’intéresse aux troubles mentaux et à tout ce qui ne va pas bien chez une personne. Finalement, je me passionne pour la recherche. Puisque les résultats avec la pleine conscience sont de bon augure, ça m’encourage à continuer. J’allie deux facettes de mon travail que j’adore, quoi demander de mieux ? 

 

 

Encadré

Le programme MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction) est une formation de huit semaines, donnée en groupe, qui introduit les principes de la pleine conscience à l’aide de méditations guidées, de discussions et d’exercices individuels. La pleine conscience propose de porter une attention particulière et consciente au moment présent ainsi qu’aux émotions ressenties, de manière ouverte et libre de jugement. Elle permet donc de cultiver une connaissance de soi, et d’entraîner son esprit à établir un nouveau rapport avec soi-même et les autres. Les participants apprennent donc à la fois la théorie et la pratique de la méditation pleine conscience. 

 

 

 

 

 

Une réflexion au sujet de « Lauréats et personnalités — Catherine Malboeuf-Hurtubise : Plaidoyer pour le bonheur »

  1. Bravo Catherine Malboeuf-Hurtubise pour votre beau travail !
    Nous avons un point en commun, cet engouement pour La Pleine Conscience auprès des jeunes du primaire…Serait-ce possible d’avoir une rencontre avec vous afin de m’éclairer sur les différents programmes d’intervention (programmes MBSR / MBCT – versus – le programme d’intervention MindUp TM.) ?

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